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Le forgeron

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La Lionne et ses ponts

    La Lionne, quel drôle de nom pour une rivière !

    Le toponymiste Henri Delacrétaz l’explique : 

Chacun le sait, on désigne par ce mot – qui rappelle celui de la femelle du roi des animaux – un cours d’eau affluent du lac de Joux coulant sur le territoire de l’Abbaye. D’aucuns l’orthographiaient « La Lionna », la dernière voyelle restant toutefois muette.

    Il est indiscutable qu’un tel vocable n’a aucun rapport quelconque avec le fauve en cause. Il s’agit d’un leurre. Les vieux noms qualifiant la Lionne le démontrent. Le premier connu est « Liona » devenu « Léona » avant l’an 1100. Dès lors, on trouve « Leena » en 1140, fausse interprétation d’un mot celtique[1].

[1] H. Delacrétaz, La Lionne, FAVJ du 26.04.1961.

L’auteur  examine ensuite tous les autres noms où le terme de lion intervient pour conclure que tous ces vocables signifient simultanément ruisseau ou vallée.

    Nous voici donc en quelque sorte éclairés !

   Cette rivière, issue du pied de la montagne, se jette dans le lac de Joux après un parcours de quelque cinq cents mètres.

    Elle servit d’ancienne date à faire mouvoir les roues de divers bâtiments industriels, scieries, moulin et autres.

    Elle n’a plus d’utilité  aujourd’hui en ce sens-là.

    Elle est traversée par cinq ponts, d’aval en amont :

    1o Passerelle du bord du lac.

    2o Pont de la Lionne en pierre de taille construit à la fin du XVIIIe siècle.

    3o Pont de la route cantonale, sans doute reconstruit plusieurs fois.

    4o Pont Jacques Berney, servant à pouvoir déplacer des planches de la scierie du milieu à la rive gauche de la Lionne. On y roule au pas !

    5o Pont de la scierie du milieu ou de la Côte à Claude. Construit et reconstruit dès ses origines lointaines. On le sert pour joindre le village à ses hauts, forêts et pâturages.

    Chacun de ces ponts garde toute son utilité.

    C’est néanmoins le pont de la Lionne, no 2, véritable œuvre d’art par la beauté de ses formes et par sa solidité, puisqu’il reste en place après de bons et loyaux service qui mérite le plus notre attention.  

    Ce pont fut en bois dès les origines – sans qu’on ne puisse donner aucune date de construction – jusqu’à la fin du XVIIIe siècle où il fut construit en dur.  

    L’entrepreneur fut alors Jean-Pierre Reymond, tailleur de pierre à Vaulion. A la fin des travaux celui-ci reconnu les paiements successifs dont on le gratifia pour son travail que naturellement l’on ne pouvait reconnaître à l’époque que pour sa solidité et non pas pour son aspect esthétique. Le Pont, ainsi que quelques travaux annexes, avait coûté la somme de quatorze cent cinquante francs.  

      Ce pont rend encore de notables services aujourd’hui sans qu’il n’ait reçu de réfections majeures. C’est là la  preuve évidente du haut degré de technicité des tailleurs de  pierre de  Vaulion, nombreux dans le métier à l’époque, allant vite orienter leur travail vers la confection et la fourniture de bassins de pierre que l’on peut retrouver aujourd’hui encore dans une partie de notre canton.   

Pont de la Lionne, côté lac.

L’industrie à l’Abbaye

    Avec une rivière intarissable à disposition, il est normal que ce furent sur celle-ci que se fixèrent les premières industrie de la région, avec moulin, forges, battoir, martinet et scieries.

    Ces dernières  furent longtemps trois :

  • La scierie du moulin, conjointe avec cette dernière activité.  
  • La scierie du milieu
  • La scierie du bas.

    Celle-ci fut déjà abandonnée à la fin du XIXe siècle, tandis que les deux autres prolongeaient leur activité tout au long du siècle suivant.

    Seule demeure aujourd’hui la scierie du Milieu, par ailleurs aussi la dernière de toute la Vallée.  La voir à l’œuvre, c’est retrouver par la pensée une époque où près de vingt scieries s’activaient dans toute la région.

    Mais chacun de ce village n’était pas scieur ! L’Abbaye connut en fait d’activités industrielles ou artisanales les mêmes occupations que partout ailleurs dans les villages voisins : petites forges, lapidairerie, horlogerie. En ce domaine, l’entreprise Henri Berney-Blondeau reste seule en activité.

    La grande industrie pénétra au village grâce aux capitaux réservés pour le chemin de fer que l’on projetait sur la rive orientale du lac de Joux et qui, du fait du passage du train  sur sa rive occidentale, restaient disponibles.

    C’est de cette manière qu’une fabrique de limes, L’Union S.A., fut installée en 1901 sur la rive gauche de la Lionne. Cette activité devait se poursuivre près d’un siècle.

    La société fut dissoute en 1990. Les locaux furent rachetés par la manufacture Breguet SA, alors installée au Brassus. Ils furent transformés pour servir de cadre prestigieux à cette nouvelle enseigne bientôt acquise par le Swatch Group, avec le secteur production installé au village de l’Orient.

    Les produits Breguet s’exportent dans le monde entier.

Un atelier de meulage des limes.

Développement

    La Lionne est une rivière qui permettra au cours des siècles l’implantation de nombreuses industries, ce que l’on verra en lieu et place. Elle prend naissance au fond du vallon de ce nom, à quelque cinq cents mètres de son embouchure dans le lac de Joux où elle se jette et qu’elle alimente.

    Elle devait créer un vaste delta qui permettra un jour à une communauté humaine d’y prendre place et prospérer.

Les sources de la Lyonne et du Brassus sont situées au fond de vallées d’érosion qui se poursuivent en amont. Il y a sans aucun doute une relation à établir entre les exsurgences de ces deux cours d’eau et les ravins qui les dominent. Ces derniers résultent du travail de torrents post-glacières qui se sont frayé un passage vers le lac et on découvert les canalisations souterraines dont les eaux utilisent maintenant leur lit inférieur. Les matériaux arrachés par ces torrents disparus ont formé les cônes deltaïques du Brassus et de la Lionne[1].

    On a tenté de percer le mystère de l’origine des eaux de la Lionne :

[1] René Meylan, La Vallée de Joux, 1929, p. 60.

    Il n’est pas possible de connaître exactement l’origine des eaux de la Lyonne ; aucune observation précise n’a été faite à ce sujet ; aucun entonnoir ne permet de tenter des expériences de coloration. En raisonnant par analogie ave  le cas du Brassus, on a arrive à la conclusion que le bassin d’alimentation comprend toute la région du Sapelet Dessus et Dessous, le Communal, la Coche, peut-être le Bucley. En tout cas, lorsque l’écoulement se produisait en surface, ce territoire était drainé tout entier par les affluents de la Lyonne et l’on peut admettre raisonnablement que le fait de couler en profondeur, ne change pas la destination primitive de l’eau[1].

[1] Daniel Aubert, Monographie géologique de la Vallée de Joux, Berne, 1943, p. 123.

Cette Lionne, rivière relativement modeste, n’a pas su interrompre le trafic entre l’aval et l’amont de la Vallée. Deux ponts au moins permirent de tout temps de passer d’une rive à l’autre. Il n’était pas difficile en effet de positionner à chaque fois deux troncs robustes et de recouvrir par le travers ceux-ci de solides planches.

    La plus ancienne carte de la région[1] permet de découvrir un pont en amont du vallon de la Lionne, celui dit de la Scie, et un second en aval, à quelque pas de l’embouchure de la rivière dans le lac de Joux.

[1] Si l’on ne compte pas plusieurs essais relativement sommaires.

Carte Vallotton de 1709, original aux archives de Vaulion. On constate la présence des deux ponts précités. Le pont aval a été à notre avis situé beaucoup trop haut par le cartographe.

La situation ne variera pas de tout le siècle. Ce n’est qu’en 1796 que l’on envisage un pont de pierre, mais non en aval, en amont. Projet qui ne sera pas mis en œuvre. Selon ce que l’on a pu lire à son sujet, il n’aurait pas manqué d’allure.

    On trouva plus utile de réserver la pierre pour le grand pont reliant le territoire du Pont et de l’Abbaye au restant de la commune.

Sur la proposition faite par le Conseil au maître maçon de Vaulion pour le transport que le dit Conseil veut faire du pont dessus de la Lionaz à celui d’en bas, l’on a convenu avec le dit maçon pour la taille des pierres de la voûte du dit pont qu’il faut retailler et autre chose à deux cents florins sans attoucher à son paiement qu’il lui vient à forme de son marché, lequel maçon devra faire le dit pont d’en bas à la place de celui dessus et cela cet été[1].

[1] ACAbbaye, JBC10, du 14 juillet (probablement de 1798).

Notons que ces mises se font encore  à la baisse, c’est-à-dire que l’on part du prix offert par la commune et que les volontaires s’alignent en le baissant à chaque criée. Ainsi était-on parti pour le sable de 7 florins 6 batz par toise, pour arriver au final, après une quinzaine de criées à 4 florins 9 sols. Pour le voiturage des pierres on était parti de 25 batz par toise, pour arriver après une douzaine de criées à 4 florins 3 sols. Pour la pierre de taille nécessaire la commune avait proposé le prix global de 320 florins qui fut réduit après une cinquantaine d’offres à la baisse, à 170 florins !

    Ce système était naturellement inique en ne permettant surtout pas aux malheureux qui avaient obtenu le travail de gagner honorablement leur vie.

    Le pont néanmoins se fera. Mais non sans peine. Puisqu’une chaussée établie par le maître, en aval ou en amont, on ne sait trop, ne donnait pas satisfaction :

Le Conseil de l’Abbaye vous avise par la présente que la chaussée qu’avez montée au-dessus de l’Abbaye sur la Lionaz a considérablement cédé, ce qui la rend si peu solide, qu’au premier débordement de la Lionaz, elle n’y résistera pas, en sorte qu’il vous déclare très positivement qu’il ne recevra jamais un tel ouvrage, qui est tout à fait opposé à votre engagement qui pote que les pierres doivent être posées de couche et non de quille avec de bonnes boutistes…[1]

[1] ACA, JBx, s.d.

Il est possible que parfois l’on exagère les défauts de tel ou tel ouvrage. Quoiqu’il en soit Jean Pierre Reymond, aidé de toute une armada d’ouvriers à sa solde ou provenant du village voire de la commune,  arriva au bout de son chef-d’œuvre. La chose est certifiée par la pièce suivante :

    Moi soussigné confesse d’avoir reçu des différents boursiers de la commune de l’Abbaye en différentes époques l’entier paiement des différents ouvrages en tailles et maçonnerie pour la construction du Pont d’en bas sur la Lionaz et la chaussée en taille dessus du village de L’Abbaye s’élevant le tout à la somme de quatorze cent cinquante sept francs, selon le compte que j’en ai fourni à la Municipalité de l’Abbaye sous la date du 6e Xbre 1803[1].

[1] ACA, JBCx

Ce même pont qui rend encore de notables service aujourd’hui et apparemment sans qu’il n’ait reçu de retouches majeures.

    Moi soussigné confesse d’avoir reçu des différents boursiers de la commune de l’Abbaye en différentes époques l’entier paiement des différents ouvrages en tailles et maçonnerie pour la construction du Pont d’en bas sur la Lionaz et la chaussée en taille dessus du village de L’Abbaye s’élevant le tout à la somme de quatorze cent cinquante sept francs, selon le compte que j’en ai fourni à la Municipalité de l’Abbaye sous la date du 6e Xbre 1803[1].

[1] ACA, JBCx

Côté amont et côté aval.

La construction du pont du milieu interviendra en parallèle avec la rectification complète de la route dite du Mont-du-Lac à Bois d’Amont. Les travaux de ce vaste chantier porteront sur plusieurs années, voire décennies. Ils ne commencent vers 1850 pour ne s’achever qu’une trentaine d’années plus tard, en 1881. 

    Malheureusement la construction de cette nouvelle artère allait en quelque sorte couper le village en deux, situation qui apparaît de manière très évidente aujourd’hui, alors que le trafic s’est multiplié par cinquante peut-être par rapport à celui d’un siècle et demi auparavant. Cet état a été dénoncé par l’enquêteur du rapport ISOS de 1986 :

     … le plan Wagnon dressé au lendemain de l’indépendance vaudoise (1813-1814) rend compte sans doute de l’état le plus achevé du tissu. Dès le milieu du 19e s., une suite malheureuse de modifications n’a fait que de déstructurer progressivement les espaces originaires du tissu. Plus que la valeur intrinsèque du bâti actuel, c’est l’importance historique du lieu qui fait de l’Abbaye un site privilégié du district de la Vallée.

    Chronologiquement, la première intervention néfaste fut la rectification de la route de transit, entre 1814 et 1877. le tracé primitif est reconnaissable à certaines implantations bâties : il longeait les fermes localisées à l’orient du site, embranchait la rue centrale en amont de l’actuel carrefour, empruntait cette voirie principale jusqu’au débouché intérieur du village et obliquait ensuite à l’ouest pour passer la Lionne à hauteur de la fabrique de limes qui se trouve au bord de l’eau. C’est pour éviter cette double chicane que le tracé fut repris, rectifié et orienté perpendiculairement à l’ancienne rue centrale du village dont elle sectionne le tissu bordier. Régulièrement élargie par la suite cette voie rapide est aujourd’hui l’un des facteurs principaux de dislocation du bâti. La carte Siegfried rend compte de cette première modification sensible de la structure villageoise[1].

[1] Inventaire des sites construits à protéger en suisse (ISOS), Office fédéral des forêts, division de la protection de la nature et du paysage, 20, Laupenstrasse, 3001 Berne.

ACA, GBB 39. 1849. La séparation va être bientôt être consommée. Remarquons toutefois que ce projet sera modifié et qu’au final la route dès le Mont-du-Lac passera en dessous du gros bâtiment central et de la fontaine, et que celle de l’Abbaye au Pont se verra établie du côté lac du nouveau collège.
La douceur de vivre à l’Abbaye en 1852 vue par le dessinateur français Devicque qui s’est représenté ici croquant le village à l’abri d’un parassol, alors que trois de ses habitants semblent très intéressé par ce travail artistique destiné à immortaliser notre vallée du XIXe siècle
Le pont du milieu ne présente aucun intérêt architectural. Il a été refait, selon son style, dans les années soixante.
Le pont de la scierie du milieu, menant aux alpages et forêts du haut par la Côte à Claude, établi d’ancienne date, fut reconstruit plusieurs fois.
Outre les trois ponts « officiels », deux autres permettent de franchir la petite rivière. Celui-ci, construit par un privé, se situe droit au dessous de la scierie du milieu. On profitera pour le traverser des sages conseils du propriétaire !
Et enfin une passerelle située immédiatement au-dessous de l’annexe Breguet SA, manufacture d’horlogerie, permet aux promeneurs de poursuivre sans interruption leur balade du bord du lac.

    On peut penser que la Lionne, tout au long de son existence « géologique » changea maintes fois de parcours, ceci au gré des crues et du volume des matériaux déplacés. Le tracé qu’on lui connaît aujourd’hui date sans doute de l’époque de notre première colonisation. Sans toutefois penser qu’elle n’eut pas quelques velléités de changement. Et puis aussi à cet égard il faut signaler l’intervention humaine la plus conséquente, celle des années 1911 à 1914 où le tracé de cette modeste rivière fut rectifié. Les archives de la commune témoignent de ce vaste chantier par de nombreux dossiers. Aucune photo connue néanmoins ne permet de constater de visu l’importance exacte de ce travail qui cependant, on le sait, devait nécessiter le déplacement de nombreux m3 de terre et de procéder à des travaux d’endiguement conséquents.  

L’Abbaye vers 1910. Les travaux d’endiguement n’ont très certainement pas encore commencé. Les rives de la petite rivière sont très boisées en aval. Il est probable que le futur chantier nécessitera l’abattage d’une partie de ces arbres voire de tous.
La lionne a aussi ses sautes d’humeur. Il lui arrive même de déborder et d’emprunter la route ordinaire.
Il est évident qu’avec une apocalypse de ce genre on peut imaginer quelques dégâts « collatéraux ».
La Lionne en ses grandes eaux mérite qu’on aille l’admirer et l’écouter !

Communications

    Un pont sert de manière toute naturelle à faciliter celles-ci. Le pont de la Lionne n’échappe à cette règle.  

    Des voies de communications sur lesquelles il vaut la peine de se pencher.

    La route l’Abbaye – plaine vaudoise est la plus importante. Elle mettait en communication le couvent avec ses propriétés du bord du Léman où l’on se ravitaillait notamment en vins. On sait que les Combiers, en particulier les gens du Lieu qui furent à peu près les seuls laïcs du temps des religieux, se devaient de participer à ces charrois. On utilisait alors deux routes possibles.

    1o Celle montant sur les Croisettes, passant aux Prés de l’Hault et redescendant sur Montricher. On pourrait croire qu’il s’agit-là d’une pure invention de notre part. Et pourtant la carte 1572 Q montre à l’évidence que la voie principale de l’époque pour joindre le plat pays, était encore celle-ci. Comprenne qui pourra, vu l’altitude du col qu’elle doit franchir à 1300 m environ[1].

[1] Voir à cet égard en fin de chapitre une note à ce sujet de l’auteur Eric Vion.

Cette voie avait donc pu acquérir une certaine importance, on ne monte au final que 100 m de plus par ici qu’en passant par Pétra Félix et le Mollendruz. Néanmoins Pétra-Félix prit le dessus. L’entretien de cette route était en partie à charge des habitants de la Vallée qui ne se soumettaient à de tels travaux que tancés par les moines, puis bientôt et plus encore par LL.EE. qui durent aussi ouvrir leur bourse.  

    Cette voie avait l’avantage d’offrir l’accès à la plaine vaudoise par le Mollendruz, mais aussi de joindre la Vallée à Romainmôtier, sa capitale administrative dès 1566. Elle restait dans tous les cas assez rudimentaire, et on ne devait pas trop compter son temps pour la franchir avant d’arriver dans telle ou telle région de la plaine vaudoise sans doute mieux pourvue de voies de communication un tant soit peu mieux praticables.

    On  signale que ce chemin n’est pas en état en 1759 tandis que ce n’est que deux ans plus tard que commenceront des travaux d’amélioration importants. Ceux-ci  permettront bientôt de parler du « chemin neuf de Pétra-Félix ».

Borne directionnelle située au fond du vallon de la Grande Posogne. D’un côté l’on va sur Romainmôtier par Vaulion, de l’autre sur Morges par Mont-la-Ville.

Cette voie, à son départ,  permettait  de joindre l’Abbaye au Mont-du-Lac. Ce segment évitait  d’emprunter la route du bord du lac pour remonter ensuite dès le Pont.  

    Pour joindre l’Abbaye à Vallorbe, en passant par le Pont ou par le Mont-du-Lac, une seule voie vraiment utilisable à l’époque, la route des Epoisats. L’autre, celle du Reposoir, restait alors  dans un état aléatoire.

    La dite route ou plutôt chemin, avait déjà retenu l’attention des autorités bernoises en 1621, preuve de son importance. Il sera réparé en 1734, le voyer en personne ayant constaté son état pitoyable. Nouvelles réfections en 1784, puis, de manière plus sérieuse, en 1836-1837. La route fut alors utilisée de manière régulière. Elle devait rester en l’état jusqu’en 1932, année où fut  reconstruite la route du Pont à Vallorbe par le Mont d’Orzeires. Elle ne devint plus désormais qu’un chemin de desserte des pâturages proches et des forêts, de la commune de Vallorbe principalement.

Départ de la route des Epoisats au Pont au début du XXe siècle. Les barrières restent encore bien en place.

    La route de l’Abbaye au Pont par le bord du lac subit une réparation solide en 1773. Auparavant on devait se contenter d’un chemin ordinaire rendu difficile à cause de l’humidité des terrains. Une bonne route joignant nos deux villages n’est visible que sur la carte Dufour de 1853. Quant à la route L’Abbaye les Bioux- Le Chenit, on peut penser qu’elle resta longtemps à l’état de chemin, avec les réparations d’usage effectuées sans doute par corvées. Charles-Edouard en parle, nous sommes en 1870 :

    La réfection de la route Le Pont jusqu’à la limite du Chenit devient préoccupante. La commune est décidée à faire des sacrifices financiers. Une délégation est reçue à Lausanne par M. le conseiller d’Etat Berney, chef du Département des travaux publics. Celui déclare que, puisque la commune de L’Abbaye accorde un subside important (dix mille francs), soit l’avance des fonds jusqu’au bouclement des comptes de l’entreprise, il y a là un motif essentiel pour donner la priorité à cet ouvrage et qu’il présentera un projet de décret incessamment.

     Il faudra cependant attendre dix ans de voir l’achèvement de cette reconstruction[1].

[1] Charles-Edouard Rochat, L’Abbaye, 1971, pp. 139-140.

Route neuve sans doute. Photo de la fin du XIXe siècle d’Auguste Reymond.

La route neuve en St. Michel fut construite en 1863. Son financement était du ressort de la commune.

L’ancienne route de l’Abbaye à St. Michel est encore parfaitement visible sur cette photo de la fin du XIXe siècle d’Auguste Reymond. Par ailleurs un grimpe-chat plus qu’une route !
Sente heureusement remplacée par la route actuelle.

    Pour ce qui est joindre le village aux alpages et forêts supérieurs, après différents projets et à différentes époque, les travaux semblent intervenir dès 1890. On eut dès lors, vu les frais que cette construction avait occasionnés, l’obligation d’enrayer, soit de freiner, uniquement avec le sabot ou la mécanique. Dans les deux cas, les roues ou le sabot raclant le sol, ce ne pouvait pas être encore une formule idéale. Mais comment faire pour descendre des pentes que personne de décent ne fréquenterait !

    Un chemin pour les Ermitages était en projet au moins dès 1919.

    Tous ces chemins naturellement encore en terre blanche. Le goudronnage interviendra dès 1934, goudron appliqué par la technique de pénétration, plus onéreuse certes, mais aussi plus durable. Le chemin d’au-dessus de l’Abbaye ne sera goudronné toutefois qu’en 1964, permettant auparavant à tous les orages de le raviner jusqu’aux plus intimes fondements.

La route de la Côte à Claude peinte par Fridolin Gaillard.