Poste 1
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La Tour – le chemin de St. Norbert
Informations complémentaires au texte de la plaque laiton du vitrail
D’emblée une réponse à votre question : qui était St. Norbert ?
St-Norbert est un prêtre itinérant fondateur de l’ordre des chanoines réguliers de Prémontré, appelé moines blancs.
Il est né entre 1080 et 1092 près de Xanten en Allemagne, non loin de la frontière avec les Pays-Bas. Il décède de malaria et d’épuisement en 1134.
En sa jeunesse sa vie est celle de la noblesse de cour, libre, luxueuse et dissipée. Mais vers 1112-1115, selon la tradition, il prend conscience de son existence légère et décide de changer radicalement de mœurs. Débarrassé de ses biens, il annonce promouvoir une réforme rigoureuse des chanoines parmi lesquels il vit tout en respectant la règle de St. Augustin.
La résistance est grande. Néanmoins St. Norbert, selon accord du pape Calixte II et sous la protection de Bathélemy de Yur, frère de Ebal de La Sarraz, crée une première abbaye en 1120 sur le site de Prémontré, en Picardie.
Le développement de l’ordre est dès lors fulgurant. Ainsi six abbés connus en 1128 laissent la place à plus de 100 en 1164, avec la création de nombreuses autres abbayes, tant en France que dans les pays voisins.
Aujourd’hui l’abbaye-mère de Prémontré n’est plus occupée par des religieux de l’ordre. Ceux-ci auraient déserté le site en 1869 déjà. La Révolution aura été fatale à cet établissement.
L’abbaye du lac de Joux, fondée entre 1126 et 1134, est la première abbaye prémontrée à voir le jour en Suisse. L’endroit où elle fut construite, nommé Domus Dei, a été remis à l’abbé de St-Martin de Laon, seconde abbaye prémontrée de France.
L’abbaye du lac de Joux doit son existence plus qu’à St. Norbert, à la famille seigneuriale des Grandson-La Sarraz dont étaient issus Ebald et son frère Barthélemy, évêque de Laon, et grand protecteur des prémontrés. St. Norbert, quant à lui et selon toute vraisemblance, n’aurait jamais passé à la Vallée.
Ce qui ne nous empêchera pas de garder son souvenir comme fondateur de l’ordre en instituant à l’Abbaye le chemin de St. Norbert !
Notons encore que les moines blancs doivent leur nom à la robe de lin écrue qui blanchit à force de lavage. En hiver les mêmes portent la laine brute des pénitents.
Deux mots sur le chemin de St. Norbert
Vous vous trouvez au pied de la Tour de l’ancienne abbaye du lac de Joux dont elle est le seul vestige. En même temps vous êtes au départ du chemin de St. Norbert. L’association de ce nom ainsi que la commune et le village de l’Abbaye vous souhaitent la bienvenue.
Vous avez pris la décision de suivre ce chemin. Celui-ci, en neuf postes ou bornes, constitués chacun par un vitrail symbolisant l’un des vieux métiers pratiqués autrefois par les habitants de L’Abbaye, vous permettra de vous promener au travers de ce village et de le découvrir dans ce qu’il a de plus caractéristique. Le QR code de chacune de nos bornes vous permettra en plus, si vous êtes possesseur d’un smartphone, de vous documenter sur l’histoire de ce petit hameau de montagne qui eut l’honneur autrefois, dès 1126[1] environ, d’accueillir un couvent qui fut le point de départ de la colonisation de la Vallée de Joux.
Notre promenade s’articule en deux parties, chacune séparée par la route cantonale. Un passage à piéton permet de retrouver le parcours du haut. Veuillez porter attention à la circulation, notamment à la sortie des usines.
Nous commençons par la partie du bas qui comprend six postes. 1. St. Norbert (La Tour) – 2. Le tailleur de pierre (jardin Croisée de Joux) – 3. La lavandière (fontaine du bas) – 4. Le forgeron (pont de la Lionne) – 5. Le pêcheur (bord de la Lionne-lac de Joux – 6. Les notables (Hôtel de Ville, en préparation).
La partie du haut offrira trois postes : 7. La fournière (le cœur du village) 8. Le scieur de long (scierie du Milieu) – 9. Le fromager (départ route du Petit-St. Michel).
La promenade vous prendra une petite heure si vous n’avez que le désir de découvrir un village de manière rapide tout en contemplant nos vitraux et le paysage environnant. Elle sera plus longue si vous décidez de vous plonger dans l’histoire riche et complexe de ce village.
Il vous sera possible aussi, au cas où vous vous seriez inscrit, de visiter la tour sous la responsabilité d’un guide. Ce bâtiment, construit dans la première moitié du XIVe siècle, n’est pas loin d’accuser 7 siècles d’âge. Il est le dernier témoin de l’époque monastique. Servant de clocher à l’église, il contient deux cloches actionnées par un système électrique. On y trouve aussi une antique pendule construite en 1758 par Antoine Barthelet de St. Point. C’est le plus ancien mouvement de ce type à la Vallée.
Du haut de la tour vous aurez l’occasion de jeter un coup d’œil sur la région environnante. Et surtout de contempler, du côté nord, un paysage qui n’a pas pris une ride depuis l’époque des abbés. En effet, le lac est resté tel qu’il se présentait alors et les collines qui lui font face ont gardé leur aspect de l’époque monastique, vierges de toute construction. C’est donc là un tableau préservé qui pourra, avec un peu d’imagination, vous faire remonter dans le temps.
[1] Plus ancienne date documentée.
Développement
Nous vous présentons la tour de l’abbaye du Lac-de-Joux. Son histoire est développée sur les panneaux de proximité. Ceux-ci réalisés à la suite de la restauration de l’édifice menée par des professionnels du bâtiment et sous les conseils avisés des architectes et archéologues du canton de Vaud. Le financement de ces travaux, outre qu’il provient pour un peu moins de la moitié de ce même canton, a été assuré par l’ARTA, association pour la restauration de la tour de l’Abbaye. Cette restauration fut une belle aventure menée de 2017 à 2019. Les trois sponsors principaux furent la Loterie romande, le fonds Paul-Edouard Piguet et la manufacture Breguet.
Mais que ces historiques rigoureux ne nous empêchent pas de jeter un coup d’œil sur ce que fut la tour dans l’iconographie combière. Car dessinateurs, peintres et photographes, eurent toujours un faible pour ce bâtiment d’une belle allure et unique à la Vallée par son architecture antique de style roman. Et ils se plurent à la fixer en même temps que le village alors encore tout entier ramassé sur lui-même, laissant dans sa proximité immédiate de vastes zones de praires, comme ce Pré de la Cure qui restait une partie importante du delta de la Lionne. C’était-là, au petit matin ou au soleil couchant, des tableaux enchanteurs. Il nous plaît de vous en restituer quelques-uns aujourd’hui.
L’église
On sait, d’après les découvertes archéologiques de 2018, que l’église primitive, soit l’abbatiale, était dans une position qui la mettait à angle droit avec l’axe de l’église actuelle, entrée à l’ouest et chœur à l’est. On pourra découvrir les photos des soubassements des absidioles sur les panneaux officiels apposés contre les murs de l’église et de son annexe.
Cette église aurait été rebâtie vers 1330. On en ignore les raisons. Elle aurait aussi pu avoir connu d’autres reconstructions au gré de la volonté des hommes ou à la suite d’incendies, pour retomber au final sur la position qu’on lui connaît aujourd’hui.
Le temple fut reconstruit une dernière fois en 1865 en récupérant sans doute les matériaux de la démolition de l’église précédente. Il le fut dans un style néo-médiéval. Les restaurations de 1909 puis de 1951 permettent enfin de le découvrir tel qu’aujourd’hui.
L’église est propriété de l’Etat de Vaud, l’entretien à la charge de la commune de l’Abbaye.
Vinet Rochat aurait été enterré dans l’une des églises primitives. Comme le sera aussi plus tard le ministre Philippe Bridel qui avait pris la direction de la paroisse en 1747 et qui y demeura jusqu’en 1771, date de son décès. Charles-Edouard Rochat, dans son ouvrage de 1971, tout en reconnaissant que l’homme n’était pas toujours commode, dit néanmoins grand bien de lui.
Le pasteur Bridel s’attacha malgré tout à sa paroisse, puisqu’il en fut le conducteur durant vingt-quatre ans et demanda d’y être enseveli.
Son ministère fut une bénédiction pour ses paroissiens, car il travailla en outre à la prospérité matérielle de ceux qui lui furent confiés.
Il s’occupa beaucoup des écoles, et réussit à réformer les méthodes d’instruction.
Il voulait introduire la culture des arbres fruitiers, ce qui ne lui réussit pas ; en revanche, il fut plus heureux avec la pomme de terre, ce qui n’alla pas sans peine, car on se méfiait alors de ce tubercule.
C’est lui qui introduisit aussi les abeilles dans la région, et il donnait volontiers des cours d’apiculture.
Madame Bridel fut la digne épouse de son mari ; elle le seconda dans toutes ses activités. De plus, elle avait de fortes connaissances dans la vertu des plantes, et mit son devoir au service de la communauté, luttant par là contre l’influence des « meiges » auxquels on avait trop souvent recours[1].
[1] Charles-Edouard Rochat, L’Abbaye 1571-1971, pp. 71-72.
Le pasteur Philippe Bridel fut le grand-père du pasteur et doyen Philippe-Sirice Bridel, homme de lettres très connu pour avoir publié le Conservateur suisse. Il a souvent parlé de la Vallée où il passa quelques années de son enfance, à la cure de l’Abbaye précisément, époque dont il se souvenait non sans une certaine nostalgie.
D’autres pasteurs de la paroisse mériteraient très certainement une notice. On trouvera la liste de tous les titulaires, du premier cité, Galatin Etienne, 1543, au dernier recensé, Chautemps Guy, 1964, dans le même ouvrage que dessus.
Notons encore que la maquette du docteur Convert se trouve à l’intérieur de l’église, et que celle-ci en principe restant toujours ouverte, on pourra jeter un coup d’œil sur cette représentation quelque peu fantaisiste, aux dires mêmes de son créateur.
Le cimetière
Il fut sans doute toujours situé autour de l’abbatiale ou de la tour, délimité par un mur d’enceinte dès une époque que nous ne connaissons pas, mais au moins dès 1709 et tel qu’il apparaît sur la carte Vallotton de cette année-là.
Ce cimetière eut encore deux portes d’entrées jusque dans les années soixante du XXe siècle. Celle de l’ouest, on ne sait pour quelles raisons, fut bientôt supprimée.
Chose étonnante, c’est en ce cimetière que les gens des Charbonnières venaient autrefois se faire enterrer. Ceci avant qu’ils ne possèdent leur propre cimetière dès 1900.
On a vu que les deux paroisses du Lieu et de L’Abbaye étaient desservies par un seul pasteur, qui résidait alors dans le bâtiment du couvent. Vers 1680, les gens des Charbonnières demandèrent de pouvoir fréquenter le temple et de faire partie de la paroisse de L’Abbaye, leurs morts étant ensevelis au pied de la tour, dans un enclos réservé. Les habitants de L’Abbaye, réunis en assemblée pour se prononcer, rejetèrent cette demande à une forte majorité[1].
Ce droit d’inhumation pour les gens des Charbonnières découlait d’un codicille rajouté quelque 7 ou 8 ans plus tard à l’acte d’abergement de 1480 en faveur de Vinet Rochat :
[1] Charles-Edouard Rochat, L’Abbaye, 1971, p. 69.
Propos qui peuvent se traduire et se résumer comme suit :
Nous, Jean de Tornafol, accordons à maître Vinet Rochat la sépulture de son corps entre le pilier et le bénitier et l’autorise de faire poser une grosse pierre peinte et de faire installer en dessous du pilier un chaudron de métal destiné à contenir l’eau bénite[1].
C’est ainsi que tous les Rochat des Grandes et Petites Charbonnières eurent la faculté de se faire ensevelir au cimetière de l’Abbaye pendant plus de quatre siècles.
Trois tombes apposées à la base du mur est de la tour témoignent encore de cette époque.
[1] L’acte d’abergement de 1480, Collection 500e des Rochat, Editions Le Pèlerin, 1980.
Ayant le droit d’inhumer leurs morts au cimetière de L’Abbaye, les gens des Charbonnières pensaient pouvoir être incorporé à l’église de ce lieu. Leur démarche est de 1663 :
Du 8 juin 1663. Ont envoyé leur député qui a représenté par la voie de Mr. Le Ministre qu’ils désirent être incorporés en l’Eglise de ce lieu sous offre qu’ils font de contribuer à tout ce qui sera … par raison ou vision de … experts, tant pour la dépense du bâtiment… d’icelui qu’aux frais de l’assortiment du St Sacrement. …qu’on leur marque jour exprès pour en … Le jour est marqué pour vendredi que les douze s’assembleront exprès[1].
Du 17 août 1663. Les conseillers de l’Abbaye en partie assemblés étant honorés de la présence de leur Seigneur Ministre, pour entendre la proposition que les députés de la commune des Charbonnières avaient à faire. Leurs députés qui sont hon. David Rochat l’ainé, Abraham Rochat dit de Billiard, David Rochat tisserand, tous du dit lieu, ont représenté par … de notre Seigneur Ministre, qu’ayant vu la grâce que Dieu nous avait faite de …à chef de
[1] ACA, A2
l’agrandissement de notre église, tant par la magnificence et libéralité de LL.EExces que par les travaux …
Ils désireraient en ce qui vise le ressort des Charbonnières pouvoir tenir … commodité… recevoir la puissance spirituelle de l’administration du St. Sacrement, priant qu’à cet effet on leur marque un endroit en l’église où ils puissent avoir les sièges à eux nécessaires, offrant en premier supporter leur rate part des fournitures du denier pour le St Sacrement, et donner pour cet effet pour une fois dans le temps 350 fl. Offrant se comporter selon les lois divines et humaines, en modestie humilité, … requise à gens d’honneur et zélés au service de Dieu[1].
La réponse, on peut bien le penser, fut négative. Elle nous est rapportée avec une belle imprécision quant à la date par Charles-Edouard Rochat :
On a vu que les deux paroisses du Lieu et de L’Abbaye étaient desservies par un seul pasteur, qui résidait alors dans le bâtiment du couvent. Vers 1680, les gens des Charbonnières demandèrent de pouvoir fréquenter le temple et de faire partie de la paroisse de L’Abbaye, leurs morts étant ensevelis au pied de la tour, dans un enclos réservé. Les habitants de L’Abbaye, réunis en assemblée pour se prononcer, rejetèrent cette demande à une forte majorité[1].
[1] Charles-Edouard Rochat, L’Abbaye, 1971, p. 69.
Cette demande avait été faite en quelque sorte en rapport avec l’agrandissement de l’église en 1663, motivé par un incendie dont la trace nous reste encore à retrouver.
Il existe une curieuse pierre enchâssée dans le mur du cimetière, proche de l’entrée.
Au sujet de ce monument, on peut lire :
Tous ces travaux (en Bonport, propriété de la commune de L’Abbaye à cemoment-là de notre histoire) avaient occasionné d’assez grandes dépenses aux communes ; la commune de l’Abbaye avait payé pour sa part environ fr. 2000.-, l’Etat avait donné 1200 fr. La scie et les moulins furent aussi remis en état de fonctionner, la chaussée de Bonport avait aussi beaucoup souffert, elle dut être reconstruite à grands frais en 1822 ; ce furent les frères Louis et François Rochat, maçons aux Bioux, qui exécutèrent ce travail qui avait coûté à la commune de L’Abbaye environ fr. 7000.- Dans le mur de la chaussée avait été placé un gros bloc de pierre avec inscription indiquant la date de la reconstruction et le nom des constructeurs et une dédicace à la commune de L’Abbaye avec ses armoiries. Lors des travaux exécutés par l’Etat, ce bloc fut enlevé. Les autorités de L’Abbaye, soucieuses de ce souvenir du passé, reprirent possession de ce monument qui est maintenant scellé dans le mur à l’entrée du cimetière de L’Abbaye, mais beaucoup de personne ignorent son origine[1].
[1] Adrien Rochat (A. R.-P.), Glanures historiques concernant les usines de Bonport, FAVJ du 28 décembre 1949 et du 11 janvier 1950.
Signalons aussi que l’on trouve dans l’angle du cimetière, à l’ouest, toujours à l’ouest, des sortes de meurtrières. Elles faisaient partie du système défensif dont les toblerones étaient l’essentiel, le tout mis en place au début de la seconde guerre mondiale.
Comme quoi un cimetière est un véritable livre d’histoire et qu’il peut nous révéler des faits anciens qui, sans les chroniqueurs, seraient tombés à tout jamais « dans le puits sans fond des âges ».
Les objets de culte de l’ancienne paroisse de l’Abbaye – Eglise de l’Abbaye –
Ces trois pièces figurent à l’inventaire Forel, avec les deux coupes notées Paroisse de l’Abbaye 1953 et le plat circulaire du début du XVIIIe siècle. Photo du 11 novembre 2018.
Se trouvaient aussi à l’Abbaye, au même emplacement, deux coupes retirées de l’église du Pont. Numéros 139P/3 et 4 de l’inventaire (voir texte plus bas).
Et pour ceux qui ont le temps, mais surtout la patience, ils nous suivront sur les différentes traces que le doyen Bridel aurait pu suivre, mais que l’on doit plutôt à ceux qui ont parlé de lui !
Une enfance a la Vallée de Joux par L. Vuilliemin, Lausanne, 1855
– C’est donc au village que se sont passées vos premières années ?
– J’ai vécu peu dans la maison de mon père ; ma première éducation s’est faite chez mon aïeul, pasteur à l’Abbaye, dans la Vallée de Joux. C’est mon aïeul, alors âgé de quatre-vingt-dix ans, qui m’enseigna les éléments du latin, et c’est aussi lui qui m’inspira l’amour des montagnes et des lacs de ma patrie. La voix affectueuse et grave du vieillard m’apprit à m’approcher de la nature, et par la nature à m’approcher de Dieu, dont elle est remplie. Ainsi se sont gravées dans mon imagination les premières teintes, à la fois fortes et douces, sereines et mélancoliques, qui dès lors ont fait le fond de mon existence.
– Deux événements contribuèrent à nourrir en moi ces sentiments. Deux fois la divine Providence a sauvé mes jours dans cette haute vallée : la première fois j’étais tombé dans une fente de rochers, dont il fallut me retirer avec des cordes ; l’autre fois, je m’amusais sur le lac gelé, quand je glissai dans une ouverture, pratiquée pour la pêche d’hiver, et ce fut une seconde glace, formée à trois pieds au-dessous de la surface du lac, qui me soutint et m’empêcha de me noyer.
…
– Déjà j’avais oublié ma blessure. Voyez, grand-papa, m’écriai-je, voyez sur ces monts les chèvres du village ; elles ne paraissent pas plus grandes que des mouches. Elles broutent sur des rocs où l’ange Raphaël pourrait à peine arriver.
– Le bon Dieu a donné à chaque créature son instinct et son domaine, mais celui de l’homme est le plus beau de tous ; ton instinct est de faire le bien, et ton domaine celui de la perfection.
– Cependant ce grand vicaire, que vous avez fait venir de Lausanne, ne cesse de répéter que nous sommes méchants, et que notre amusement le plus ordinaire est de faire ce qui nous est défendu.
– Il parle de l’homme étranger à la crainte de Dieu, et tel que mon enfant ne sera pas. Oui, tu seras, non pas un homme sans intelligence, dépravé, qui vaut moins que la brute, mais l’homme voulant le bien, aimant la vertu, et que Dieu destine à réfléchir son image…
– A propos, grand-papa, j’ai lu hier que le cheval Pégase avait des ailes, et que Persée l’enfourcha pour aller délivrer Andromède, qu’un monstre voulait manger ; cela est-il vrai ?
– C’est une fable, ou plutôt une de ces allégories dans lesquelles les anciens renfermaient leur sagesse ; celle-ci, souviens-t’en, signifie que l’honnête homme doit voler au secours des malheureux que menace un danger pressant.
– Ah ! je comprends très bien ; c’est joli ! Persée est l’honnête homme, Pégase marque la vitesse à aller au secours, et Andromède est le malheureux.
– Ton explication est juste.
– Maintenant, grand-papa, je vais m’amuser avec mes camarades. Nous avons fait des arcs avec des branches de genévrier, et des flèches avec de grands joncs que nous avons cueillis au bord du lac.
– Prenez garde de vous faire du mal avec la pointe.
– Ne craignez rien ; nous mettrons au bout du sureau, qui donnera du poids à la flèche et la fera voler en ligne droite.
– Eh bien va, mon fils, va en paix… et que la bénédiction de mes pères repose sur ta tête chérie… Ecoute encore, … mais le voilà loin !…
– Cher enfant, continua le vieillard, (qui écrivit au retour dans le presbytère tout notre entretien sur une feuille que je possède encore, et que j’aime à relire), cher enfant, combien je t’aime ! Il est vif mais doux ; susceptible de recevoir toutes les impressions, mais ne gardant que les bonnes ; aimant à faire le bien par goût, non par ostentation ; sensible, mais de cette sensibilité qui se proportionne à la valeur des objets qui la mettent en jeu… Heureux si le séjour de la ville n’altère pas cette nature de bonne roche ! Heureux s’il reste franc du collier !
– Voici, un siècle a bientôt passé sur ma tête. Ma vie, comme ce lac, a été battue de bien des orages. Maintenant ma vieillesse est calme, comme le miroir du lac l’est à cette heure ; seulement, tandis qu’il reflète ses beaux rivages, mon âme m’en montre de différents, d’un genre inconnu, vers lesquels un charme indicible semble m’attirer. Si quelque lien m’enchaîne ici-bas, ce n’est pas celui qui m’unit à mes fils : ils sont élevés, et marchent tous, d’un pas ferme, vers le rendez-vous commun, où je vais les attendre ; c’est mon amour pour cet enfant. O mon Dieu, mes derniers vœux sont pour lui ! Que ta houlette le conduise ! Que ta grâce, plus précieuse que la vie, le garde au jour du combat ! Qu’il soit un des arbres destinés à donner des fleurs ici-bas, puis à être transportés par tes mains paternelles, de cette vallée de misères dans l’Eden éternel, pour y porter des fruits dignes de toi !
Gonzague de Reymond a produit deux livres monumentaux sur le Doyen Bridel tout en le traitant de médiocre, allez y comprendre quelque chose. Et alors même que cet auteur, que ses biographes divers égratignent volontiers au passage, est devenu l’un des précurseurs de notre ethnographie nationale et qu’au final son influence en divers domaines fut fondamentale. Mais il est difficile de reconnaître sa dette vis-à-vis d’un partisan presque forcené de l’ancien régime, d’un passéiste à tout crin.
Il n’empêche que dans les quelques pages qui suivent, Gonzague de Reynold a fait une analyse tout à fait remarquable de la mentalité du jurassien, pris dans son ensemble, et non pas seulement citoyen d’un canton qui a, en quelque sorte, usurpé le nom Jura.
Le doyen Bridel (1757-18459, et les origines de la littérature suisse romande, par Gonzague de Reymond, Lausanne, Georges Bridel & Cie éditeurs, 1909.
A cette époque, il y avait en effet, un certain divorce moral entre la capitale vaudoise, – la ville aristocratique et mondaine de Voltaire et de Gibbon, – et le reste u pays, principalement les régions jurassiennes où il semble que le protestantisme puritain et mystique se soit de tout temps réfugié. Le climat lui-même ne fut pas sans influence. Véritables « côte d’azur », les rives du Léman, semées de petites villes, attiraient depuis longtemps les étrangers et les voyageurs ; la vie aristocratique s’y était concentrée ; et cette grande route de Genève à Lausanne, déjà « internationale », était depuis longtemps ouverte aux idées et aux œuvres nouvelles. Mais, dans les âpres vallées de ce Jura, où l’hiver est plus long et plus rigoureux même que dans les Alpes, les esprits avaient gardé tous les préjugés, toutes les rigueurs, toutes les austères vertus de la primitive doctrine. Eux aussi, avaient subi l’influence du lieu. Le Jura aux vallées parallèles, souvent obstruées par les neiges, et qui ne sont reliées entre elles que par des gorges étroites et sauvages, avait isolé ses habitants. Intermédiaire entre les alpes et les plaines, cette région sauvage n’a guère de la montagne que les forêts, les vallons et les hauts plateaux ; il lui manque les sommets. Terre ingrate, mais non hostile, offrant tous les inconvénients des Alpes, sans en avoir les dangers, les hommes qui l’habitent, s’ils n’ont point à lutter contre la nature, n’ont pas non plus avec celle ce contact intime et vivifiant, source de jouissances et d’énergie. De là, l’impérieuse nécessité de se replier sur soi-même, et de chercher, autour de soi, dans son esprit ou dans sa maison, l’occupation des loisirs forcés que vous laisse une culture rebelle. Le peuple jurassien s’est, dès l’origine, tourné vers l’industrie. Mais l’industrie à domicile du XVIIIe siècle, en groupant les familles, avait conservé aux mœurs leur caractère patriarcal, tout en en développant les esprits. Les qualités propres à tous les montagnards ne s’en sont pas trouvées modifiées profondément par ces conditions spéciales. De réaliste et conservateur, le montagnard du Jura est devenu spéculatif, abstrait, réfléchi et critique. Perpétuellement repliée sur elle-même, avide de lectures, sa religion s’est orientée vers le mysticisme, à moins que le contact avec l’étranger, nécessité par l’écoulement des produits industriels, ne l’ait, ou modifiée, ou ruinée totalement, grâce à l’action des idées nouvelles. Cette race intellectuelle pousse aux extrêmes ses idées. De nos jours encore, les vallées du Jura sont le refuge de toutes les religions comme de toutes les utopies révolutionnaires et sociales.
Ce fut donc dans le haut Jura que s’écoula l’enfance de Philippe Bridel. Begnins où il naquit est situé sur les premiers contreforts ; le village de Crassier où résidait son père, au pied des premières hautes chaînes ; mais Philippe-Sirice n’y habita guère, car il fut envoyé dans la sauvage vallée de Joux, à l’Abbaye, où son aïeul (dont il portait le nom de baptême), était pasteur, malgré son grand âge de quatre-vingt-dix ans. C’est cet aïeul (1680-1771) – un vieillard droit et ferme, le type du ministre montagnard, – qui lui enseigna les éléments du latin. Ce fut lui aussi qui lui inspira cet amour des montagnes et des lacs, que Bridel devait bientôt reporter sur les Alpes. Le Jura est, en effet, selon le joli mot de Juste Olivier, « le spectateur des Alpes ». Du haut de ses crêtes pierreuses, ce n’est pas lui que le regard chercher encore, ce sont les chaînes alpestres resplendissantes, le plateau suisse, ses villes et ses lacs, les collines allemandes ou les plaines françaises. Vues sans limites, vues d’ensemble, « elles ont quelque chose d’abstrait : elles sont immenses et tout y est un. » Il semble que le Jura s’efface devant des yeux qui le quittent sans cesse, dans des esprits auxquels il ouvre sans cesse d’autres horizons. Il n’est jamais qu’un passage. Mais la vallée de Joux où vécut cinq ans le jeune Bridel, grâce à ses deux lacs sauvages, à ses hauteurs plus escarpées : la Dent de Vaulion et le Mont Tendre, était pour lui un admirable terrain de préparation aux hautes Alpes plus ardues et plus compliquées. L’éducation qu’il reçut de son aïeul fut, elle aussi, une préparation intellectuelle à une conception moins frivole de la poésie, conception plus proche de la nature, plus religieuse et plus patriotique :
La voix affectueuse et grave du vieillard m’apprit à m’approcher de la nature, et par la nature à m’approcher de Dieu, dont elle est remplie. Ainsi se son gravées dans mon imagination les premières teintes, à la fois douces et fortes, sereines et mélancoliques, qui dès lors ont fait le fond de mon existence.
Tous les jours, mon aïeul et moi faisions ensemble notre promenade. Un soir, nous prîmes le chemin qui, de la cure, passant entre des rochers et une forêt de sapins, conduit vers un banc, d’où mon grand-père avait coutume de venir contempler le lac, voir le soleil se coucher et… penser à sa fin. Cette fois, il m’avait devancé, parce que j’attendais un habit neuf, de couleur rouge, que le tailleur devait m’apporter. Sitôt en possession de mon habit, j’accourus.
– Grand-papa ! grand-papa ! voyez le bel habit rouge !
– Toison d’or
– Que voulez-vous dire ?
– Toison d’or, disait le roi Alphonse-le-Sage, sachant que la toison d’or de Jason couvrait une bête.
– Ah ! toujours ainsi ! mais ne me va-t-il pas bien, mon habit neuf ?
– Oui et non.
– Je ne comprends pas.
– Oui, s’il y a un bon sujet dessous ; non si…
– Ah ! je comprends, mais enfin…
– Tu as vu, mon enfant, des châtaignes dans leur enveloppe ; quelque rudes et piquantes qu’elles soient à l’extérieur, on n’en aime pas moins le fruit ; un homme aussi, quelque mal vêtu qu’il soit, a toute mon estime lorsqu’il est honnête ; et malheur à celui qui n’a de prix que par le vêtement qu’il porte !
– Mais grand-papa, vous dîtes m’aimer, vous devez donc ‘être heureux de voir que mon habit me fait plaisir.
– Je le suis, mon enfant ; mais je voudrais que, venant l’âge, tu prisses plaisir à quelque chose de plus réel, et que tu te réjouisses moins d’avoir un frac écarlate, un chapeau garni d’un bourdaloue en or, et une chemise à manchettes, que d’avoir gagné en sagesse et en amabilité.
– Oh ! grand-papa, vous avez trop de raison pour moi.
– C’est que je suis un vieillard, et que l’expérience m’a appris à préférer la raison aux plus beaux vêtements. Mais va me chercher cette rose que voilà.
– Où ?
– Sur cet églantier.
– Qu’elle est belle ! j’y cours… Aïe ! je me suis piqué jusqu’au sang, voyez mes doigts.
– L’épine était sous la fleur. Prends garde aussi mon enfant, d’en cacher sous tes beaux habits…
Laissons encore parler Bridel :
– Cher enfant, continua le vieillard (qui écrivit au retour dans le presbytère tout notre entretien sur une feuille que je possède encore et que j’aime à relire), cher enfant, combien je t’aime ! Il est vif, mais doux, susceptible de recevoir toutes les impressions, mais ne gardant que les bonnes, aimant à faire le bien par goût, non par ostentation ; sensible, mais de cette sensibilité qui se proportionne à la valeur des objets qui la mettent en jeu… Heureux si le séjour de la ville n’altère pas cette nature de bonne roche ! Heureux s’il reste franc du collier.
Ces conversations du petit Bridel avec son aïeul sont un curieux exemple de la culture et de la moralité protestantes dans la Suisse française du XVIIIe siècle, Le « milieu » traditionnel n’a point altéré la doctrine ; mais l’éducation classique a modifié le langage ; il la imprégnée d’une rhétorique à laquelle les idées nouvelles ont encore ajouté leur phraséologie. La Bible est toujours le livre de l’âme et de l’esprit, mais c’est la Bible idyllisée par Rousseau, Gessner, Haller, le Robinson suisse ; Bible pleine des visions de « l’état de nature » et de l’âge d’or des patriarches, et semblable à une traduction édulcorée des Livres saints et des Evangiles adaptés à la culture de l’époque[1].
A l’âge de dix ans, Philippe-Sirice Bridel fut conduit à Moudon.
Sautons par-dessus les décennies. En 1822, tome 9e de la Feuille du Canton de Vaud no 109, le Doyen Bridel parlait encore de son grand-père dans un article ayant pour titre : Notice sur la naissance et les progrès des sciences naturelles dans le canton de Vaud.
[1] Gonzague de Reynold, op. cit.
Outre ceux qui dans le siècle dernier se sont fait imprimer sur quelque branche des sciences naturelles, il y a eu quelques hommes qui, non par leurs écrits, mais par leurs travaux et par leurs exemples, avancèrent parmi nous ce genre d’étude. L’un d’eux fut Philippe Bridel, né à Moudon en 1680, mort en 1771, à l’abbaye du Lac-de-Joux à l’âge de 91 ans, après avoir été plus d’un demi-siècle Pasteur dans cette vallée du Jura vaudois. Quand il arriva dans cette froide contrée, qu’on regardait alors comme la Sibérie du Pays de Vaud, il y trouva une peuplade pleine de talents naturels, mais de la plus crasse ignorance[1]. Son premier soin dut être de s’occuper de l’instruction élémentaire, presque abandonnée à quelques femmes qui allaient de maison en maison montrer l’alphabet aux enfants, d’organiser des écoles régulières desservies par des hommes, et vu la pauvreté du pays, d’obtenir des subsides du gouvernement pour salarier les instituteurs[2]. Il se proposa d’établir des arbres fruitiers ; mais quelques pommiers rabougris, dont les aigres fruits ne parvenaient jamais à maturité, quelques cerisiers, dont les cerises rougissaient à peine au commencement de septembre, lui prouvèrent que l’âpreté de ce climat ne convenait guère mieux aux vergers qu’aux vignes[3]. Le Pasteur Bridel fut plus heureux sous deux autres rapports ; il établit dans la vallée de Joux la culture de la pomme de terre, après avoir soutenu une longue lutte avec les montagnards, qui méprisaient cette précieuse racine, dont ils ont eu tant à se louer dans la suite, et il introduisit les abeilles dans sa paroisse. Souvent dans la belle saison il rassemblait le dimanche soir devant les ruches de son jardin, quelques pères de famille, auxquels il expliquait la science apiaire ; bientôt à son exemple il s’éleva d’autres ruchers, dont l’excellent miel recherché des pharmacies de Lyon devint une source de profit pour ses initiateurs. Il aimait à se rappeler qu’il avait reçut sous son toit, Decrousaz, Haller, Jean Gessner, Trembley, De Saussure, De Luc, Bertrand, Deleuze, et d’autres naturalistes, avec lesquels il faisait des courses sur les cimes voisines du Jura. Il avait découvert au pied de la Dent de Vaulion des lits de pétrifications riches en échinites, camites, térébratules, glossopêtres, buccinites, ostracites, etc., dont il avait chez lui une caisse, où tous les amateurs pouvaient puiser. Les nombreuses cavernes de la vallée furent visitées par lui, et de l’une, au fond de laquelle il fit descendre avec des cordes, il rapporta une belle tête de cerf avec son bois. Dans un pâturage, quelques vaches périssaient chaque été, sans qu’on en sût la cause. Il découvrit que la fontaine où elles s’abreuvaient était peuplée de crinons (gordus aquaticus) ; il indiqua une autre source qui n’en avait pas et dès lors les bestiaux se portèrent bien ; il avait dressé une carte manuscrite de la vallée de Joux, qu’il connaissait parfaitement, et que l’on conserve dans sa famille. Sur le bord de la tombe il m’inspirait le goût de la botanique, il me montrait dans son jardin l’anémone des Alpes, l’aconit anthora, le doronie cordiforme, la crapaudine à feuilles d’hysope, le cerfeuil odorant, le pivoine officinel, le sabot de Vénus ; il m’apprenait, en suivant la charrue, à trouver le terrenoix, dont les tubercules ont le goût de la châtaigne ; il m’indiquait sur les bords marécageux du lac l’airelle fangeuse pour m’empêcher de manger les baies surabondantes, et quand je lui apportai des bords de l’Orbe un bouleau noir, il dit, voilà le plus petit des arbres[4].
Vous me pardonnerez, Messieurs, ces détails sur mon aïeul. Mais je lui dois l’amour des sciences naturelles dès ma première enfance passée auprès de lui ; je lui dois le désir d’y faire quelques progrès ; je lui dois l’honneur de m’asseoir au milieu de vous.
[1] Note Bridel : Voyez précis historique sur la vallée du Lac-de-Joux de 1140 à 1780 ; Conservateur suisse T. VI, p. 79 à 116.
Note du transcripteur : Bridel exagère, pour ne pas dire qu’il est complètement à côté de la réalité. Simplement qu’il considérait à l’égal de tant d’autres auteurs, voyez à ce sujet le Juge Nicole et son historique sur la Vallée, comme obscur tout le passé antérieur à ce XVIIIe siècle devenu prétentieux à force de lumières !
[2] Faux. L’enseignement avec des instituteurs, et non avec des bonnes femmes itinérantes, existait depuis la deuxième moitié du XVIIe siècle au moins.
[3] Note de Bridel : Julien Du Perron, père du fameux cardinal Du Perron, qui en 1557 établit une verrerie et des forges au Brassus, tenta aussi d’y planter des vignes, et l’on comprend que ce fut dépense et peine perdues.
[4] Ce qu’il y avait encore de remarquable dans ce presbytère montagnard, c’était la femme du Pasteur, qui, pour empêcher les habitants d’une vallée écartée, dans laquelle il n’y avait point de médecin, de recourir aux charlatans (maiges), étudia la médecine usuelle dans le médecin des pauvres, se forma une petite pharmacie gratuite, traita les maladies ordinaires et peu nombreuses de la contrée à l’aide de remèdes botaniques, comme la gentiane, l’aunée, L’eau distillé de muguet, et par des sudorifiques, tels que le sureau, l’arnique, etc. Dans les cas graves, elle écrivait l’état du malade au Docteur Exchaquet, d’Aubonne, le plus habile des médecins vaudois avant Tissot, et le traitait sous sa direction.